Pour développer une autonomie en eau il existe plusieurs pistes pour collecter et utiliser de l'eau sans utiliser le réseau d'eau courante classique des villes. Nous reviendrons dans un autre post sur les options qui s'offrent à nous pour collecter de l'eau.

Mais pour monter un système d'eau, indépendamment du système de collecte et de la source, il est bien plus utile de comprendre et réduire ses besoins en eau que d'essayer d'augmenter à l'extrême la capacité à collecter, de stockage, de pompage, etc.

Dans ce post, nous nous concentrons donc sur une méthode simple qui permet d'évaluer ses besoins en eau pour monter un système autonome.

1. Comprendre sa consommation totale actuelle

De plus en plus de fournisseurs d'eau (par exemple ToutSurMonEau.fr de Suez) mettent désormais à disposition sur leur site internet le détail de votre consommation en eau mensuelle. En faisant une extraction depuis votre fournisseur en eau, vous pouvez obtenir une base sur laquelle travailler. Il vous faut ensuite décomposer progressivement votre consommation mensuelle en poste de consommation avec des hypothèses de consommation associées.

Un dessin étant plus clair qu'un long discours, cela peut donner ceci par exemple :

Exemple de consommation annuelle actuelle

Les hypothèses prises pour chaque point de consommation (par exemple : 6 litres à chaque chasse d'eau, 7 fois par jour pour chaque personne du foyer) sont évidemment à adapter par rapport à vos consommations. Ces consommations quotidiennes sont multipliées par le nombre de jours par mois (première ligne) et par une hypothèse de taux de présence (deuxième ligne qui simule des congés en dehors du logement).

Dans notre exemple, cela permet deux choses :

  • Comprendre où sont les gros postes consommateurs d'eau,
  • Commencer à prendre conscience du volume total d'eau (potable) consommée, y compris pour des besoins ne nécessitant pas la potabilité (WC, ...).
Répartition de la consommation actuelle

L'une des difficultés avec la consommation annuelle est le côté impalpable de ces chiffres. Savez-vous visualiser 127 000 litres ? Quelle place cela prendrait ? Cela fait plus de 14 100 packs d'eau ou bien près de 1 000 baignoires pleines ou encore un cube d'eau imaginaire de 50 mètres de largeur/longueur/hauteur... Ca fait effectivement beaucoup !

2. Estimer des besoins à venir

D'où la nécessité de travailler avant tout sur ses besoins avant de concevoir et construire un système surdimensionné (et donc coûteux).

En analysant le graphique en camembert plus haut, on peut travailler sur certains des gros postes consommateurs ou sur certains qui sont les plus simples à tout simplement arrêter totalement :

  • WC : représentent le tiers de la consommation totale sur l'année, donc gros consommateur en eau,
  • Bains : petit consommateur relativement aux autres postes mais facile à substituer (par des douches moins consommatrices par exemple).

Prenons l'exemple des WC qui sont un bon exemple de gros consommateur et pour lesquels des alternatives très rentables existent : les toilettes sèches.

Les toilettes sèches remplacent l'eau par de la sciure de bois qui absorbe les liquides et couvrent totalement les éventuelles mauvaises odeurs (ça marche aussi pour les princesses ;). Donc choisir dans notre exemple des toilettes sèches en remplacement de WC classiques permet de réduire de plus de 40 000 litres sur l'année (soit 4 444 packs d'eau...).

Toutefois, les besoins cibles ne sont pas nécessairement à la baisse puisqu'on peut imaginer également des postes de consommation à la hausse : par exemple consommer 4 fois plus d'eau que dans la situation actuelle si on souhaite par exemple remplacer l'arrosage d'un petit jardind d'agrément par un verger / potager.

Exemple de consommation annuelle cible

Sur l'année, ces quelques modifications d'hypothèses permettent de réduire de 25% la consommation en eau soit -32 000 litres (soit 3 555 packs d'eau dont on a évité la consommation).

Répartition de la consommation cible

3. Evaluer la capacité de collecte

Maintenant que nous savons quelle quantité d'eau mensuelle nous souhaitons couvrir, tournons-nous vers la capacité de collecte. Elle peut être liée à un puit disponible, à des toitures collectrices d'eau de pluie, ...

Prenons ce dernier exemple de collecte d'eau de pluie pour illustrer le propos. Le site de l'association InfoClimat fournit des informations d'une utilité absolue (précipitations, vents, ...). En analysant la pluviométrie autour de votre lieu de collecte, cela permet de mieux comprendre les périodes d'abondance (beaucoup de pluie) et celles de stress hydrique (pas assez d'eau).

Exemple de pluviométrie sur les 6 dernières années autour de Vire, Normandie

Une fois la pluviométrie collectée (1mm = 1 litre / mètre carré), il faut rapprocher cela de la surface de collecte, c'est-à-dire la surface de toiture dont on peut récupérer l'eau (on parle bien ici de la collecte, pas encore du stockage de cette eau).

Prenons l'exemple d'une toiture de 180 mètres carrés (donc on multiple chaque mesure de pluviométrie par cette surface pour chaque mois), on en déduit la collecte mensuelle exprimée en litres d'eau :

Dans cet exemple, on collecte donc en janvier 20 196 litres suite à la collecte des 112,2mm de pluie sur les 180m2 de toiture.

Cela peut sembler beaucoup mais il faut être vigilant à deux choses :

  • Chaque mois, en face de cette collecte, il y a aussi de la consommation (dans l'exemple plus haut on avait 7 050 litres de consommation en janvier)
  • Certains mois, en juillet par exemple, la collecte est bien moindre (4 586 litres) alors que la consommation est supérieure à d'autres mois (8 585 litres)

Cela amène donc à la nécessité de disposer d'un "effet tampon" au travers, par exemple, de réservoirs d'eau (en béton par exemple, ce qui règle le problème d'acidité de l'eau de pluie).

4. Calculer la capacité de stockage optimale

Des réservoirs d'eau permettent "d'accumuler" de l'eau pendant les périodes de fortes pluies pour pouvoir consommer l'eau dans les périodes moins, voire pas, pluvieuse. Il s'agit donc de déphaser la collecte de la consommation.

Toutefois, un stockage trop faiblement dimensionné se remplira vite et ne permettra pas nécessairement de couvrir les besoins des mois à faible pluviométrie. A l'inverse, un stockage surdimensionné induit des coûts plus élevés (achats, construction, ...).

Prenons deux exemples :

  1. Une capacité de stockage de 3 000 litres avec un réservoir installé (donc vide) en janvier
Volume d'eau stockée (L) en début de mois avec un réservoir de 3000 litres

On constate donc qu'avec les +20 196 litres collectés en janvier -7 050 litres consommés en janvier, on obtient un solde de 13 146 litres disponibles mais que nous voulons stocker dans un réservoir de... 3 000 litres. Donc, en étant limité de la sorte, on perd (via le trop-plein du réservoir) près de 10 146 litres (qui pourraient être bien utiles pendant l'été par exemple) et on a en début de mois suivant un stock capé à 3 000 litres. Dit autrement, chaque mois où on constate que le volume stocké est la capacité totale du réservoir, cela signifie qu'il y a potentiellement de l'eau que nous ne sommes pas en capacité de stocker (donc "perdue" pour notre consommation).

En appliquant le même raisonnement de mois en mois (en reprenant le niveau du réservoir du mois précédent), on obtient donc le tableau ci-dessus.

On constate qu'avec un effet tampon faible, on s'expose à ne pas couvrir la totalité de nos besoins en eau pendant 1 mois (juillet ci-dessus avec le besoin non couvert en hachuré rouge).

2.  Une capacité de stockage de 15 000 litres avec un réservoir installé (donc vide) en janvier

On peut aisément intuiter qu'avec une capacité de stockage supérieure, on "perd" moins d'eau et donc l'effet tampon recherché joue davantage son rôle.

Et là c'est bon ! Les besoins sont couverts tout au long de l'année et avec une marge de sécurité satisfaisante. Dans notre exemple, on constate donc qu'il faudrait privilégier une capacité de stockage de l'ordre de 15 000 litres.

Mais, au regard des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquent, comment savoir quelle est notre "résilience" avec ce raisonnement ?

5. Estimer le niveau de résilience obtenu

C'est finalement assez simple en prenant le stock minimum dans le réservoir d'eau sur l'année (en ignorant le premier mois d'amorce, 11 001 litres en août dans notre exemple) qu'il suffit de diviser par la consommation moyenne hebdomadaire (7 883 litres / 4 semaines = 1971 litres).

On obtient dans notre exemple pour un réservoir de 15 000 litres, une résilience (absence totale de pluie sur plusieurs semaines consécutives) de 11 001 litres (en août) / 1 971 litres (conso moyenne hebdomadaire) = 5 semaines et demi.

Avec le réservoir de 5 000 litres, la résilience est évidemment de 0 semaine puisqu'il y a des mois où les besoins ne sont pas totalement couverts. Mais qu'en serait-il avec un réservoir de 10 000 litres pour ajuster encore plus et réduire les coûts à la construction / installation ?

Eh bien la résilience tombe à 6 001 litres (en août) / 1 971 litres (conso moyenne hebdomadaire) = 3 semaines. Donc, dans notre exemple, réduire d'un tiers la capacité de stockage amène à réduire de quasiment la moitié la résilience du système !

A vous de jouer par rapport à vos besoins, votre lieu et vos hypothèses de dimensionnement !

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